• La honte du profit est partout !

    Voilà un échange de mails qui risque d’électriser les relations entre Paris et Bruxelles. Le 23 janvier, un responsable d’AgriMer, le bras armé du ministère de l’Agriculture pour l’aide aux exportations, a envoyé un courrier électronique fébrile à son collègue chargé des études export à la direction du même ministère. Depuis la veille, une délégation des services vétérinaires des services égyptiens était en France pour une mission d’inspection de onze jours, dans quinze abattoirs de volailles et de palmipèdes.

    À la clé, l’obtention d’un agrément pour pouvoir vendre le maximum de canards et de poulets aux Égyptiens. Le compte rendu sur les premières visites des inspecteurs égyptiens était encourageant, avec « un a priori très positif des établissements français ». Seul petit os : les conditions de l’abattage halal. « Les auditeurs égyptiens ont présenté une exigence concernant l’étourdissement des canards avant saignée : les animaux ne doivent pas être inconscients, par conséquent l’électronarcose doit être réalisée avec une tension de 85 volts », expliquait l’auteur du mail. Qui proposait dans la foulée, de s’asseoir sur la réglementation européenne : « il apparaît donc préférable d’appliquer ce paramètre lors des audits, quitte à mettre de côté les règles de bien-être animal pendant le passage des auditeurs égyptiens ».

    En effet, depuis vingt ans déjà, l’Europe impose de plonger les animaux « dans un état d’inconscience » avant de les zigouiller. Sauf pour les abattages rituels, qui bénéficient, eux, d’une dérogation. Avec seulement 85 volts dans les plumes, le canard reste conscient. Le seul intérêt de le passer à l’électricité est commercial. Immobiliser la volaille permet de tenir la cadence. Le mail d’AgriMer la fiche d’autant plus mal que, il y a à peine trois mois, dans un rapport sur les abattoirs de volailles français, l’Office Alimentaire et Vétérinaire (OAV) de la Commission européenne nous a volé dans les plumes, notamment à cause, justement, du non-respect du bien-être animal au moment de l’abattage.

    « Dans tous les abattoirs visités, des paramètres d’étourdissement incorrects étaient appliqués ». Et de déplorer « la présence dans la chaîne d’abattage de nombreuses volailles qui avaient été étourdies mais présentaient toujours des signes de conscience (réflexe cornéen, respiration rythmée, importants battements d’ailes et même soulèvement de tête) ».

    Mais l’important, n’est-il pas que le courant passe avec les acheteurs égyptiens ?...

    Le Canard Enchaîné N° 4869 du 19 février 2014

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