• Les monstres de l'agro-alimentaire ...

    Le beurre et l’argent du beurre

    Vous n’avez sûrement jamais entendu parler du TB du lait. Pourtant, le « taux butyreux » comme on l’appelle, a fort à voir avec la pénurie de beurre sur laquelle les médias tartinent depuis des semaines. Le TB, c’est la quantité de matières grasses contenue dans le lait.

     En France, depuis que nos ingénieurs agronomes le mesurent, il n’a jamais été aussi faible : 39,3 grammes par litre, soit 1,6 gramme de moins qu’il y a vingt ans. Vu que nos vaches produisent 23,8 millions de tonnes de lait par an, cela fait à la louche, 38 000 tonnes de matières grasses laitières qui manquent chaque année. Pas de bol : c’est justement avec elles que l’on fabrique du beurre. Ah, la vache ! Durant des lustres, l’industrie laitière a encouragé les éleveurs à produire toujours plus. La sélection génétique a conçu de véritables usines sur pattes, capables de fournir plus de 9 tonnes de lait par an.

    Sauf que, plus une vache donne, plus ce qui sort du pis est appauvri en matières grasses, et en protéines. Quand on est tombé à moins de 30 grammes de protéines par litre, les fromagers, qui n’arrivaient plus à faire leurs frometons, ont demandé à l’Institut National de la Recherche Agronomique (Inra) de trouver dare-dare une solution. D’autant que la protéine de lait exportée sans forme de fromage ou de poudre dégraissée fait du bien à la balance commerciale. Raison pour laquelle, plus le lait est protéiné, plus il est payé cher à l’éleveur.

    Les éleveurs ont donc été incités à gaver les pauvres bêtes d’aliments hyper protéinés, comme le tourteau de soja ou, trouvaille de génie, les farines de viande… Jusqu’à ce que les vaches cannibales deviennent folles. Le taux de gras, lui, a continué de fondre comme motte de beurre au soleil, l’Inra conseillant même de verser dans les rations des acides gras polyinsaturés pour bloquer la synthèse de la matière grasse dans la mamelle. Les nutritionnistes baratinaient alors qu’il fallait remplacer le beurre par la margarine pour sauver nos artères.

    Depuis, non seulement le beurre a été réhabilité, mais il est désormais estampillé « bon pour la santé ». Les Américains et les Asiatiques, du coup, se sont rués dessus, faisant flamber les prix. Ajoutez-y nos laiteries, qui préfèrent fourguer leur beurre à l’étranger car les grandes surfaces refusent de le payer au cours mondial. À moins que l’Inra nous bricole une vache qui fabrique directement du beurre, ça risque d’aller de mal en pis !

    Le Canard Enchaîné N° 5064 du 15 novembre 2017
    Altermonde-sans-frontières

     

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