• Après l'orage !

    Par Nicolas Domenach

    Ils sortent de partout comme des escargots après la pluie, toutes cornes dehors, ces cocus de l’histoire sarkozyste, centristes, chiraquiens, libéraux, radicaux, qui protestent aujourd’hui parce qu’ils ont eu mal hier tant leurs convictions modérées ont été piétinées par l’ex-président. Pourtant ces protestataires de l’après n’ont rien dit, ou pas grand-chose, sur le coup quand le « barbare de l’Élysée » leur marchait dessus avec volupté.

    On se souvient que Nicolas Sarkozy s’était toujours décrit comme « un mâle dominant » qui prenait soin de ne s’entourer d’aucun autre. Au point, précisait-il, qu’il avait fait piquer son chien et nommé François Fillon à Matignon. L’ancien Premier ministre ne l’aura pas déçu. Mais, maintenant que la défaite est passée, ils crient tout haut ce qu’ils nous reprochaient d’écrire : la stratégie d’ « ultradroitisation » était politiquement un suicide et une dégradation morale ! Pour le moins… Le sénateur libéral Jean-Pierre Raffarin date très précisément le virage fatidique du discours de Grenoble, en Juillet 2010, que Marianne avait dénoncé comme « calcul cynique de voyoucratie politique ». Un mauvais calcul qui devait conduire à l’échec, annoncions-nous, car l’électorat modéré ne pouvait adhérer à la stigmatisation d’une partie de la France – « les assistés » - et de l’étranger pour porter les péchés de la crise. Le premier vice-président de l’UMP affirme qu’il avait fait savoir à l’époque son désaccord devant cette « dérive droitière ». Disons qu’il l’a davantage murmurée qu’il ne l’a proclamée avec cette vigueur qu’on lui découvre aujourd’hui et qu’on peut tenir pour salvatrice !
    Car ce n’est pas parce que les uns et les autres ont tant manqué de courage qu’il ne faut pas se réjouir de ce retour à la lucidité. Ils ont certes tous voté – à l’unanimité ! - l’adoption de la stratégie du « ni-ni » (ni Front National ni Parti Socialiste) – un péché contre l’esprit et contre la politique au long terme. Car mettre sur le même plan ces deux formations revenait à banaliser l’extrême droite et à favoriser la contamination de l’électorat UMP par les thèses du FN. C’est ce que reconnait aujourd’hui François Baroin qui regrette qu’ « à trop courir derrière le FN on l’a banalisé ». Même constat navré d’autres gaullistes d’inspiration, tels les députés Bruno Le Maire et Hervé Gaymard, lesquels considèrent qu’ « on n’est jamais gagnant quand on abandonne ses valeurs ». Mais alors pourquoi se sont-ils tus ?
    La réponse à cette question embarrassante se trouve dans le livre très vivant et incisif de Roselyne Bachelot, « À feu et à sang » (Flammarion). L’ancienne ministre de la Santé y révèle que « l’inclinaison droitière des analyses politiques de Nicolas Sarkozy » la « hérissait ». Elle n’était pas la seule. Alain Juppé n’adhérait pas davantage, souligne-t-elle, « à ces tentatives d’incursion de notre candidat dans le champ ultraconservateur » ; Mais Juppé, qu’on présente volontiers comme le « sage de la droite », a mis un mouchoir tricolore sur ses convictions, en le brodant de ces mots définitifs : « Il a complètement tort, mais nous ne pouvons pas le dire » ! Solidarité oblige, à défaut de noblesse.
    Pour Roselyne Bachelot, la défaite était au bout de « la dérive », qui provient, précise-t-elle, de « l’influence du trio Patrick Buisson-Claude Guéant-Emmanuelle Mignon ». ces « âmes noires » seraient les coupables de cette stratégie qui fut « une faute sur le font et une erreur sur la forme ». D’où son analyse : « Au premier tour, nous grappillerons peut-être quelques points, mais en faisant monter le Front National puisque nous mettrons ses thèmes à l’agenda du débat ». La suite est ainsi écrite : « Au second tour, nous serons contraints de nous livrer à une contorsion impossible pour conquérir cet électorat modéré ». Une analyse qui n’épargne pas le président « autocentré » qui s’est retiré en vase clos avec « la bête à trois têtes », avec qui il mène « une campagne hystérique (…), désespérée et désespérante ». Bachelot exerce son droit d’inventaire, ce qui lui vaudra, comme ceux qui se décident enfin à élever la voix, de se faire flinguer par les sarkozystes, qui ne sont pas complètement morts.
    Jean-François Copé, secrétaire général nommé de l’UMP, ne veut se tourner que « vers l’avenir », donc vers la redéfinition du « socle des valeurs ». Mais ce sera difficile, pour ne pas dire impossible, de rebâtir sans faire le constat qu’ont été bradés les principes fondateurs : solidarité, ouverture, rassemblement, justice… D’autant plus dur qu’une majorité des sympathisants de l’UMP sont en résonance avec les frontistes et n’écoutent qu’à peine ces modérés si inexistants. Alors que les droitiers, eux, et pas seulement les survivants de la droite dite « populaire », mais Copé lui-même et nombre de ses proches, participent toujours de l’école Buisson et considèrent que Sarkozy a même failli gagner grâce à la ligne « autoritaire et populaire » adoptée, que ce ne sont pas les mots forts qui l’ont fait perdre mais le manque d’actes à la hauteur…

    On retrouvera ce débat clivant à travers l’affrontement entre Jean-François Copé et François Fillon. Nous verrons, alors, ce qu’il en sera des mollusques et autres invertébrés…

    Marianne N° 792 du 23 juin 2012
    Altermonde-sans-frontières


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