• Requiem pour Manu ....

    La délicate semaine du roi Emmanuel


    Par Anne Roumanoff

    Il y a quelques jours encore, le roi Emmanuel était fort optimiste quant à l’issue de la crise qui secouait le pays depuis bientôt quatre mois. Fort habilement, le souverain avait réussi à endormir ses sujets avec le grand débat et épuisé ses adversaires avec des réunions interminables où il soliloquait des heures durant. Sa majesté s’octroya même une courte escapade dans les montagnes pyrénéennes avec la reine Brigitte. L’idée n’était pas des plus judicieuses. Les images du souverain se prélassant au soleil alors que l’auberge du Fouquet’s était en proie aux flammes ne furent pas du meilleur effet.

    Quelque temps auparavant, c’est le vicomte Castaner de Forcalquier, chargé de la sécurité du pays, qui avait été surpris à danser la farandole en galante compagnie. Les gazetiers relatèrent avec moult détails cette folle soirée un peu arrosée. Les Français, d’ordinaire pleins d’une indulgence goguenarde pour ce genre d’incartade, furent agacés par tant d’inconséquence. C’est que la colère montait dans le pays devant l’incapacité du roi à mettre fin à l’insurrection des Gilets jaunes. Chaque samedi, selon un rituel bien établi, les Champs-Élysées se transformaient en véritable champ de bataille. Les façades des commerces se recouvraient de palissades de bois, les rues se vidaient de leurs riverains effrayés, la maréchaussée envahissait les rues autour de l’Arc de triomphe tandis que les envoyés des chaînes d’info piétinaient sur le pavé en attendant les premières échauffourées. Les conséquences économiques de ce que les gazetiers anglo-saxons surnommaient "urban riots with yellow jackets in Paris" étaient incommensurables. Commerçants exaspérés, hôteliers inquiets, touristes effrayés : l’amusement sympathique des Parisiens pour ce mouvement au départ anarchique, original et bon enfant avait laissé la place à un profond ras-le-bol teinté d’une sourde colère. Les Gilets jaunes, qui n’avaient pas un chef mais plusieurs représentants, déploraient la violence des manifestations tout en ne faisant rien pour l’enrayer. Le roi décida de faire appel à l’armée pour protéger Paris. Cette nouvelle suscita des craintes, jusque chez les militaires. "Tirer sur le peuple", "bain de sang", "terreur", "régime autocratique", on brandissait des mots d’une autre époque comme autant de boucliers effrayants. Beaucoup semblaient craindre le pire quand d’autres paraissaient sourdement l’espérer.

    Pour couronner le tout, le roi Emmanuel dut faire face à une fronde inattendue du Palais du Luxembourg. Le duc Larcher de Cholestérol, bon vivant au triple menton et à l’allure faussement inoffensive, défia le roi en transmettant au parquet un rapport sur les témoignages contradictoires dans l’affaire du spadassin Benalla. Considérant qu’il s’agissait d’une vengeance politique, le monarque entra dans une colère noire. Ses courtisans, le duc Ferrand du Palais Bourbon et le comte Griveaux de l’Ambition parisienne, se firent l’écho du mécontentement royal en évoquant de possibles représailles lors de la prochaine réforme constitutionnelle. Dans la crise profonde que traversait le pays, ces bouderies faisaient l’effet de gamineries d’un autre temps. Le printemps était là, le soleil revenait, mais il planait sur le royaume des nuages inquiétants qui ne semblaient pas près de se dissiper.

     

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