• Virginité

    Parité sur l'Olympe

    Il y a parité entre hommes et femmes chez les dieux majeurs de l'Olympe : six dieux et six déesses. Trois d'entre elles sont vierges : Hestia, déesse du foyer, Artémis la chasseresse « qui s'occupe des zones incertaines, entre l'animal et l'humain », et surtout, peut-être, la « resplendissante Pallas Athénée », déesse de l'intelligence. En Grèce, à cette époque, la virginité est divinisée. Mais les vierges ne sont honorées que comme promesses d'une maternité future, garante de l'immortalité de la cité.

    Vierges consacrées

    Dans les sociétés chrétiennes, le choix de la virginité a paradoxalement aidé certaines femmes à accéder à un statut et une reconnaissance interdits à leurs contemporaines (à l'exception des nobles). « Pour les chrétiens des premiers siècles, le corps est un obstacle à la communion avec Dieu. Jésus semble donner l'exemple. Il n'aurait pas vécu en couple, n'aurait pas procréé. » Les vierges consacrées « sont les seules qui peuvent refuser le mariage. Pour servir Dieu mais avec une certaine autonomie. Nombre des premières martyres sont des vierges consacrées. Le clergé va récupérer ces vocations et imposer petit à petit qu'elles deviennent épouses du Christ. »

    Plus tard, aux XVIe et XVIIe siècles, périodes de grande piété, des mystiques, comme Thérèse d'Avila, gagneront une grande reconnaissance sociale, jusqu'à devenir docteurs de l'Église.

    Le cas Jeanne d'Arc

    Jamais Jeanne d'Arc (1412-1431) n'aurait convaincu le dauphin Charles VII de lui confier une armée si elle n'avait été vierge : « Elle se présente comme Jeanne la Pucelle. Sans doute parce que le mot de vierge a été peu à peu réservé à la Vierge Marie, dont le culte a connu un essor prodigieux depuis le XIe siècle. »

    Dans l'imaginaire populaire, vestige d'anciennes croyances, « la femme qui n'appartient pas à un homme est réputée proche de la nature. On lui prête des pouvoirs magiques ». Cette « pureté » crédibilise ses dires quand elle affirme entendre la voix des saints.

    « Une emprise abusive des sens »

    Prouver la virginité

    Mais comment juge-t-on de la virginité d'une femme ? Pendant très longtemps, les médecins ont été partagés sur l'existence de l'hymen, cette membrane fermant partiellement le vagin de la vierge. Malgré le récit biblique (Salomé vérifie la virginité de la Vierge Marie... ce qui lui brûle la main), malgré les affirmations des sages-femmes, le doute subsistera longtemps, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Au contraire, dans la tradition islamique, présenter les draps tachés de sang au lendemain des noces est essentiel. Mais l'hymen peut être absent ou être rompu accidentellement, contraignant parfois la jeune mariée à des subterfuges.

    Abus de pouvoir masculin

    « Il y a eu un vrai abus de pouvoir masculin après la Révolution française, juge Yvonne Knibiehler. La société rejette la religion mais ne veut pas que les femmes se libèrent et impose une virginité dépourvue de son caractère sacré. »

    Le modèle de la jeune fille innocente s'impose. Au XIXe siècle, on maintient les jeunes femmes de bonnes familles dans l'ignorance des affaires du corps. « Ce sont les médecins qui vont combattre ce manque d'instruction. La syphilis fait aussi peur que le sida aujourd'hui. Ils vont militer pour que les femmes connaissent ces dangers, soient plus exigeantes sur le choix de leur compagnon. C'est une question de préservation de la santé nationale. Reste que jusqu'à l'entre-deux-guerres, on ne nous disait pas grand-chose », dit l'historienne née...en 1920.

    Le mouvement « no sex »

    La symbolique de la virginité ne disparaîtra sans doute jamais. Le premier rapport sexuel reste, dans les meilleurs cas, un rite de passage important, un passage de l'enfance à l'âge adulte. Le phénomène « no sex », « c'est juste une inversion de situation. La liberté sexuelle a été gagnée dans les pays occidentaux dans les années 1970. Et reste vraie, malgré le choc du sida. Le mouvement ' no sex ', né aux États-Unis, est le signe d'une maîtrise individuelle. On combat une emprise abusive des sens, on se glorifie en maîtrisant cette pulsion. Mais cela est, et restera, très minoritaire. »

    Et la virginité masculine ?

    Il faut bien avouer que la virginité masculine a rarement été un enjeu. La base de la pression sur la virginité féminine reste la volonté des hommes de « s'assurer que leur filiation est authentique. C'est une manière de nier la mort ».

     

    Philippe RICHARD.

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :