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Voiles ...
Déjà la nuit s' avance, et du sombre orient
ses voiles par degrés dans les airs se déploient.
Sommeil, doux abandon, image du néant,
des maux de l' existence heureux délassement,
tranquille oubli des soins où les hommes se noient ;
et vous, qui nous rendez à nos plaisirs passés,
touchante illusion, déesse des mensonges,
venez dans mon asile, et sur mes yeux lassés
secouez les pavots et les aimables songes.
Voici l' heure où trompant les surveillants jaloux,
je pressais dans mes bras ma maîtresse timide ;
voici l'alcôve sombre où d'une aile rapide
l'essaim des voluptés volait au rendez-vous.
Voici le lit commode où l' heureuse licence
remplaçait par degrés la mourante pudeur.
Importune vertu, fable de notre enfance,
et toi, vain préjugé, fantôme de l' honneur,
combien peu votre voix se fait entendre au cœur !
La nature aisément vous réduit au silence ;
et vous vous dissipez au flambeau de l' amour,
comme un léger brouillard aux premiers feux du jour.
Moments délicieux, où nos baisers de flamme,
mollement égarés, se cherchent pour s'unir !
Où de douces fureurs s' emparant de notre âme,
laissent un libre cours au bizarre désir !Evariste de Forges de Parny
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