• L'amour est dans un pré à échelle humaine ...

    L’amour est dans le pré

     

    « Nous sommes la coopérative agricole, nous produisons l’avenir ». Le slogan tourne en boucle en ce moment à la télé, à la radio et sur Internet. En un mois, 620 messages publicitaires auront été égrenés pour vanter la réussite du modèle coopératif agricole français. « Notre image est souvent déformée par des messages incomplets et parfois injustes », déplore sur son site Internet l’Alliance des coopératives agricoles (Acooa), à l’origine de l’opération. Et d’annoncer : « Il est temps de remédier à ce déficit d’image en expliquant aux citoyens, aux décideurs politiques et aux médias ce que nous faisons. »

    À entendre les spots concoctés par l’Acooa, l’amour est dans le pré : 450 000 paysans se sont donné la main pour défendre « un modèle universel qui offre la possibilité d’entreprendre autrement ». La réalité est un brin moins bucolique. Derrière les 3 000 coopératives revendiquées, 11 mastodontes se partagent à eux seuls un chiffre d’affaire de plus de 28 milliards d’euros, soit un tiers du gâteau. Bienvenue dans le monde des géants verts, celui de l’agrobusiness, qui n’a plus grand-chose à voir avec l’esprit d’entraide des petites coopératives agricoles créées après-guerre pour sécuriser le revenu du paysan.

    Prenez, tout en haut du panier, InVivo (4,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 6 900 « collaborateurs »). Présent dans 23 pays, le premier trader français de céréales voit passer entre ses mains chaque année 6 millions de tonnes de grains, un dixième de la production hexagonale. Pour déplacer la marchandise, InVivo possède même ses propres wagons de train, 450 via sa filiale InVivo Logistique. Le groupe fait également dans la fourniture de semences agricoles, l’alimentation animale, le médicament vétérinaire, les pesticides, et les magasins de jardinage avec sa chaîne Gamm Vert.

    C’est le patron de cet empire industriel, par ailleurs membre actif de l’Association nationale des industries alimentaires, qui a eu l’idée, il y a quatre ans, de créer l’Acooa. Ce qui ne figure pas dans l’actuelle campagne de com’, c’est la condamnation en 2012 d’InVivo par la justice belge à un demi-million d’euros d’amende pour avoir corrompu un fonctionnaire de la Commission Européenne… Même souci de discrétion sur les déboires du groupe coopératif Lur Berri (1 milliard d’euros de chiffre d’affaires), qui possédait la société Spanghero, impliquée dans le scandale de la viande de cheval.

    Dans le monde agricole, les grosses coopératives sont des trous noirs qui avalent tout autour d’elles. En vingt ans, le nombre de petites structures – de moins de 20 salariés – a été divisé par deux, et la cadence s’accélère. De rachats en rachats, les 10 premières ont vu leur chiffre d’affaires moyen gonfler de presque 80 % en six ans. Avec l’arrivée des établissements financiers et autres fonds d’investissement autorisés à entrer dans le capital des coopératives, les agriculteurs adhérents ont perdu petit à petit le contrôle.

    Si les financiers veulent autant y mettre leurs billes, c’est parce que les coopératives cumulent les avantages fiscaux, notamment l’exonération de l’impôt sur les sociétés ! l’amour est aussi dans le blé !...

    Le Canard Enchaîné N° 4923 du 4 mars 2014
    Altermonde-sans-Frontières


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