Le faucheur ruisselant appuyé sur sa faux,
Eblouï par l’acier qu’il aiguise sans cesse,
Perçoit au fond de lui cette troublante ivresse
Que diffuse en été l’odeur des grains nouveaux.
Avant lui, il le sent, le manche de l’outil
A courbé dignement l’échine de l’ancêtre
De cette soif de vivre au-delà de son être,
Imprégnant à jamais sa veste de coutil.
Alors, ardeur il fauche, sans mollesse
Et buvant quelquefois à même le goulot,
Des souvenirs heureux collés à son sabot
Il expulse l’ivraie avec délicatesse !
Depuis, tout le blé d’or tombant des lourds boisseaux
Ressème dans mon cœur l’âme de cette terre
Où germe à l’infini le froment de mon père
Car ma plume aujourd’hui est fille de sa faux
Michel Decor