• Vous allez voter pour une dictature encore soft ...

    L’État d’urgence est un versant de son offensive ; la législation par décrets (qui plus est, durant la période estivale) pour imposer une refonte du Code du travail en est un autre. Ni la liberté de manifester, ni le principe d’une séparation des pouvoirs n’y survivent. Mais là encore, il ne s’agit pas de se scandaliser – d’autres en font profession. Il s’agit plutôt de voir quelle est la logique en cours. Cette logique est précisément celle qui définit la continuité entre le nouvel espace de manœuvre accordé à la police et aux juges expéditifs et les décrets à venir relatifs au Code du travail. Dans un cours du début des années 1970, Michel Foucault relève la parenté étroite qui existe entre la mise au travail et la mise en prison : dans les deux cas, il s’agit bien de contrôler le temps de la vie des individus et des collectifs. D’un côté, en enfermant ceux qui, par leur intelligence et leur courage, menacent les opérations du gouvernement (ceux et celles de l’affaire de la mousse expansive aussi bien que les récent-e-s interpelé-e-s). De l’autre, en radicalisant la mise en disponibilité du temps de celles et ceux qui sont sommés de produire en se conformant aux nouvelles configurations du travail – des configurations qui vont bien au-delà de ce qui est usuellement reconnu comme travail.

    Il s’agit ainsi d’assurer, par la menace permanente de la violence pénale, la reproduction de l’ordre social : discipliner les désirs, soumettre les rassemblements politiques aux formes (de plus en plus vides et étroites) imposées par les « autorités », criminaliser la moindre tentative d’organisation, etc. Mais parfois la peur de l’enfermement ne suffit pas. Il faut alors introduire, entre les corps et l’inépuisable source de vie qu’ils constituent, quelque chose de plus que la simple menace pénale : quelque chose qui, peut-être, conduira ces corps à discipliner par eux-mêmes leur désir de vie. Ce quelque chose a un nom : le travail - et sa morale. Dans le commentaire qu’il propose des cours de Michel Foucault, S. Legrand écrit : « l’ouvrier qui paresse, qui s’enivre, qui brûle son énergie en faisant la fête, ou encore qui vit à son rythme propre, n’opère pas moins une soustraction à la richesse produite qu’il ne le ferait en pillant ou saccageant les docks ; il pratique alors ce que Foucault nomme un illégalisme de dissipation, c’est-à-dire qu’il pratique l’illégalisme cette fois sur son propre corps, sur sa force de travail. » Bien sûr les temps ont changé. On s’inquiète moins, aujourd’hui, de discipliner une classe ouvrière repoussée aux frontières de l’Occident que de soumettre une population à la fois sur-éduquée, précarisée et désenchantée – d’autant plus désenchantée qu’on lui aura d’ailleurs garanti toute sa vie les miracles de l’épanouissement et de la réalisation personnelle – aux nouveaux impératifs du capital : mobilité, adaptabilité, « compétences communicationnelles », etc.
    http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article34846

    Vous allez voter pour une dictature encore soft ...


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :