• Quand le vin est tiré il faut le boire ...

    Du vin en eau trouble

    Tout commence par un contrôle de routine. Le 18 mars 2014, les agents de la répression des fraudes venus mettre leur nez dans une cuverie des Grands Vins de Gironde (GVG), l’une des plus grosses maisons de négoce de Bordeaux (55 millions de chiffre d’affaires), découvrent un drôle de tour de passe-passe : certaines cuves contiennent beaucoup moins de vin que les quantités consignées, tandis que d’autres débordent, au contraire, bien au-delà des chiffres indiqués dans les registres.

     
    Intriguée, la brigade d’enquête vins et spiritueux se rend compte qu’un des grands noms du négoce a transvasé 2 000 hectolitres de pinard ordinaire dans des cuves de vin bordelais millésimé ou doté d’appellation. Une fois embouteillé, le joyeux mélange aurait été étiqueté « Saint-Estèphe », « Saint-Émilion », « Lalande-Pomerol »… L’entourloupe aurait concerné plus de 6 000 hectolitres, soit l’équivalent de 850 000 bouteilles. Hic ! « Ces tricheries sont rendues possibles parce que la filière viticole a pris l’habitude de « refaçonner » ses vins, en masquant le goût derrière des enzymes, des levures, des copeaux, du tanin œnologique… », dénonce la Confédération Paysanne, sur le banc des parties civiles.

     

    L’affaire fait d’autant plus tache dans le microcosme bordelais, qui a vendu en 2016 pour 3,6 milliards de pinard, que le patron de GVG est également le président du Conseil des Grands Crus classés en 1855. Une organisation professionnelle dont la mission est justement de « veiller à la protection de l’utilisation du classement et d’éventuel détournement de la marque ». C’est pourtant bel et bien contre la société Grands Vins de Gironde que le parquet de Bordeaux a requis, la semaine dernière, une amende de 500 000 euros, pour « tromperie » et « tentative de tromperie », et 10 000 euros contre son ancien directeur des achats. Verdict le 5 avril.

    Chez les vignerons bordelais, qui cultivent la discrétion aussi soigneusement que le raisin, c’est la gueule de bois. L’embarras n’est pas prêt de guérir : la justice est en train de tirer le vin dans une autre grosse affaire de fraude. L’arnaque révélée par le journal Sud-Ouest consistait à transformer en AOC bordelais du pinard du Languedoc vendu en vrac. De faux crus de Pomerol, Saint-Julien ou Margaux qu’un négociant libournais aurait fourgués à leur insu à de grandes maisons de Bordeaux, dont… GVG. On ne pourra bientôt plus dire : In vino veritas ?

    Le Canard Enchaîné N° 5082 du 21 mars 2018
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