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    Lettre à une croissance que nous n’attendons plus

    « Le Monde » publie un texte de Manon Dervin (Étudiante à Science Po Rennes), choisi par le Cercle des économistes dans le cadre du concours « Imaginez votre travail demain – La parole aux étudiants », organisé à l’occasion des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence. Ce texte s’inspire d’ « Un Projet de Décroissance ». Merci Manon. (Texte intégral)

    Lettre à une croissance que nous n’attendons plus

    Par Manon Dervin

    Ô très chère Croissance. Ma bien-aimée. Ton retour s’est fait attendre. Ton dogme fondé sur la valeur centrale du « travail » conditionne encore aujourd’hui toute la vitalité du système économique. Tu fabriques l’Emploi et en tires ta force. Les médias, les politiques et tous les travailleurs retiennent leur souffle. Te chercher a plongé le monde occidental dans une torpeur sans précédent. Une gueule de bois post-crise financière de 2008 soignée à coups de jéroboams de mesures économiques afin de te faire revenir. Mais aujourd’hui je ne t’attends plus, Croissance. L’âge d’or des « trente glorieuses » est terminé, le réveil est difficile et la situation pas si facile que ça à accepter. Je pensais te connaître. Qui es-tu vraiment, Croissance ? Je te prie de m’excuser pour les mots qui vont suivre. Il me fallait te conter mes désillusions.

    En réalité, tu es un indice mathématique. Tu es l’augmentation continuelle de la production de biens de services et d’échanges dans une économie. Tu es une somme de valeurs ajoutées. Mais tu n’as pas tenu compte de mes remarques sur la qualité de tes productions. Tu continues à la fois de construire/détruire des écoles et de faire travailler des enfants dans les usines, de manière arbitraire en fonction des pays. En réalité, tu es tout un imaginaire. Pour les néolibéraux, tu incarnes le progrès, la modernité, le positif. Une plante qui croît, un enfant qui grandit. Pour beaucoup, tu es la solution au plein-emploi. Tu nous as été imposée comme la condition du bien-être des populations, mais tu n’apportes le bonheur qu’à 1 % de la population mondiale, c’est-à-dire si peu d’entre nous.

    En réalité, tu fais partie intégrante d’un système productiviste. Au meilleur de ta forme, tu as fait croître le PIB de plusieurs pour-cent. Tu te fondes depuis toujours sur le faux techno-scientisme, l’esprit de concurrence, le devoir de compétitivité, le travail comme valeur centrale et fondatrice. Mais j’ai découvert que tes moteurs sont la dette, l’obsolescence programmée et la publicité. Je suis au regret de te dire que tu n’as fait qu’accroître les inégalités. En somme, tu es une illusion. Tu étais pour moi et pour nombre d’entre nous la promesse du bonheur, une croyance, une pensée magique. J’ai juré sur ton nom, et j’ai fait l’erreur de l’amalgame entre l’indice, l’imaginaire et le système.
    http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article28910

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