Comme toute tragédie historique, l’Holocauste ne peut être considéré que rétrospectivement, et sa horrible totalité – 11 millions de morts, dont six millions de Juifs – donne souvent l’impression que les tentatives de compréhension des actions et des logiques de ses auteurs sont perverses, voire insultantes. On peut faire valoir que seul le mal pur peut provoquer un désastre d’origine humaine d’une telle ampleur, et qu’expliquer l’accumulation de ces crimes de guerre généralisés ne fait qu’humaniser la voie inhumaine et génocidaire choisie par les criminels. Ce n’est qu’en étudiant les préludes aux catastrophes que nous pourrons empêcher la répétition de telles atrocités.

Abandonné en mer : le MS St. Louis
Le MS St. Louis, survivant de l'Holocauste, parle des excuses du Canada

Un incident très médiatisé a mis en évidence ce que les politiques antisémites des deux côtés de l’Atlantique avaient semé. Cela illustre comment un peuple mis à l’écart et en péril, contraint de fuir son pays, ne trouve souvent nulle part où aller.

En mai 1939, le paquebot allemand MS St. Louis appareilla de Hambourg, en Allemagne. Ses 937 passagers, presque tous juifs, ne représentaient qu’une fraction de ceux qui fuyaient l’Allemagne après des événements comme la Nuit de Cristal qui ont exacerbé l’antisémitisme et accéléré la fuite des Juifs.
Le MS St. Louis a traversé l'Atlantique vers l'ouest, à destination de l'île historiquement accueillante de Cuba. Mais alors que tous les passagers détenaient des visas pour se réinstaller dans ce pays des Caraïbes, le paysage politique de La Havane a radicalement changé au cours de leur voyage. Le président cubain, Federico Laredo Brú, a refusé d’accepter les réfugiés étrangers et a rapidement ordonné au navire de partir.

À la dérive et sans but, le St. Louis errait vers le nord. Près de la côte de Floride, le capitaine Gustav Schröder envisagea de faire débarquer le navire pour que les réfugiés puissent s'échapper ; la Garde côtière américaine, sur ordre du Département d'État, a suivi le navire pour empêcher cela. Le Canada a emboîté le pas, refusant la sphère de sécurité.

Le St. Louis a traversé l'Atlantique. Finalement, plusieurs pays d'Europe occidentale ont accepté de les diviser. Près de 300 personnes se sont installées en Angleterre, plus de 200 chacune en France et en Belgique et près de 200 aux Pays-Bas.

Bien sûr, Hitler a fini par envahir tout le pays sauf l’Angleterre. Sans surprise et de manière impardonnable, 254 des 937 passagers du navire sont finalement morts pendant l’Holocauste